Ophélie a 21 ans, elle est étudiante en Sciences pour la Santé pour devenir Attachée de recherche clinique. Elle est malentendante depuis la naissance, appareillée depuis l’âge de 4 ans. Ophélie nous raconte son parcours de vie qui l’a amené à devenir la jeune fille épanouie qu’elle est aujourd’hui. Découvrez le témoignage d’Ophélie.
Ses passions ? Self-défense féminin, la LSF et les livres de Science-fiction !
Je prends des cours de self-défense féminin, pour savoir me défendre dans la rue face à une agression. J’apprends la langue des signes (LSF), une langue que j’ai toujours voulu découvrir et que je trouve passionnante. Je suis par ailleurs passionnée de lecture, principalement de la science-fiction, et d’aventures mystérieuses, ainsi que d’écriture de romans. Celui qui est le plus abouti actuellement est une histoire réaliste, mais fictive.
Quels souvenirs gardez-vous de votre parcours de malentendante ?
Malentendante de naissance
Les médecins pensent que ma surdité est apparue peu de temps après ma naissance, mais ma mère, en recoupant ses souvenirs, est persuadée que je la tiens de naissance.
Une enfance et une scolarité solitaires …
A l’école, j’étais assez déprimée d’être différente des autres, mais étant solitaire, je m’en contentais. Les enfants m’évitaient souvent, j’avais peu d’amis. Mes amis étaient ceux de ma petite sœur. J’avais aussi des amis d’une classe malentendants/sourds en primaire.
Ma professeur de CE1 m’avait prise en grippe en raison de mon poids, et voulait que je « dégage » de sa classe. Comme une classe était spécifique aux sourds/malentendants, on voulait m’y mettre. Sauf que mes parents ne voulaient pas et que le besoin ne se présentait pas, étant donné mon adaptation et ma réussite sur un parcours « classique ».
J’ai eu une orthophoniste jusqu’à la sixième, moment où elle a décidé que je n’avais plus besoin d’aide, en dépit de mes blocages sur les « SEU » et les « CHEU » en prononciation. Je m’en sors assez bien en effet en lecture labiale, sans laquelle je suis incapable de tenir une conversation normale sans appareils.
Collège, lycée et fac : des mondes différents
Au collège, j’étais toujours mise de côté, prise pour une folle car je me parlais toute seule et étais solitaire. Quand je me faisais des amis, j’avais tendance à les « coller » et à les énerver pour ces raisons. Ce fut une période assez difficile à vivre, avec des moqueries de la part des autres, principalement amplifiées par la jalousie de me voir réussir mieux qu’eux.
Au lycée, tout était différent. Les gens semblaient plus adultes, plus matures, hormis quelques exceptions. J’avais un bon groupe d’amis, j’étais moins mise de côté. Mais mon handicap se rappelait souvent à moi dans le bruit et les groupes…, me mettant malheureusement à l’écart.
A la faculté, c’était encore autre chose. Les deux premières années, j’étais en médecine et la concurrence n’est pas propice à devenir amis avec les gens. Pour la licence dont j’ai parlé plus haut, j’étais dans une autre faculté où le soutien et l’entraide étaient de mise, donc tout le monde se parle plus ou moins et se côtoie.

Quel a été l’élément déclencheur qui vous a décidé à vous appareiller ?
Mes parents ont voulu que je sois appareillée quand ils ont vu que je n’étais pas capable de comprendre tout ce qu’on me disait, que j’étais très fortement malentendante. Ils voulaient le meilleur pour moi, et je les remercie d’ailleurs d’avoir fait ce choix.
Mes appareils, ce sont mes oreilles.
Quand je ne les ai pas, pour quelque raison que ce soit, je suis irritable et triste.
Quels souvenirs forts gardez-vous de votre parcours vers l’appareillage auditif ?
Je n’ai pas vraiment de souvenirs de mon enfance. La seule chose que je sais, c’est ce que ma mère m’a racontée de la première fois que j’ai porté des appareils. Elle était émue par mes paroles: « Maman, c’est quoi qui fait cuicui?« . J’entendais un oiseau pour la première fois.
Quels sont les moments les plus compliqués à vivre en tant que malentendante ?
Le plus dur, quand on est malentendant, c’est de supporter le regard des gens quand on ne comprend pas ce qu’on nous dit.
Surtout les « Oh, je n’ai/il n’a/elle n’a/ils n’ont rien dit d’important, t’inquiète… ». C’est assez frustrant à vivre.
A côté de cela, il y a aussi les conversations en milieu bruyant, les réunions de famille, les booms, les fêtes… C’est assez difficile à supporter. Surtout quand tout le monde parle en même temps. Il faut donc se ménager des moments de calme et de repos pendant ces périodes. Heureusement, les appareils auditifs sont de plus en plus performants aujourd’hui pour ces situations permettant même parfois de mieux comprendre qu’un entendant. ^^

Quels sont les moments les plus joyeux à vivre en tant que malentendant(e) ? Si si y en a:)
Les moments les plus drôles sont quand on arrive à comprendre ce que chuchote une personne en lisant sur les lèvres, alors qu’elle ne voulait pas être comprise. Cela m’arrive rarement, mais ça arrive.
J’ai plusieurs anecdotes de professeurs qui portaient le microphone HF et qui oubliaient que je les écoutais. Je les entendais alors parfois dire un gros mot, se croyant seuls, parler de jeux entre collègues.
“Un moment gênant fut celui où un professeur est parti avec aux toilettes, situés à proximité. J’ai préféré coupé la liaison ^^’”
D’autres moments marrants : quand les élèves se servent de moi, et donc de mon microphone, pour savoir quand le professeur qui s’était absenté allait revenir. Les élèves sont toujours surpris la première fois que je leur fais le tour.
Ce qui est bien avec ce microphone, c’est d’entendre le professeur comme s’il était près de moi, et ce même s’il est à 10 mètres. C’est d’ailleurs un avantage considérable quand le professeur part au fond d’un amphi, sans microphone ambiant.

Votre conseil à un malentendant pour bien vivre son handicap auditif
Je lui dirais de ne pas se prendre la tête. Moins on s’en inquiète et moins les gens s’en occupent. J’ai rencontré des sourds, avec lesquels j’arrive à communiquer, parce qu’ils ne se sentent pas gênés par les difficultés de communication. Ne vous sentez pas gênés. C’est difficile à faire, mais c’est tellement bénéfique !
Votre conseil pour bien vivre son appareillage auditif
Ce n’est pas facile de vivre le port d’appareils pour la première fois. S’il s’agit d’un enfant, il ne faut pas le forcer, mais lui montrer l’intérêt du port des prothèses, lui faire découvrir des sons nouveaux qu’il peut détecter avec, tout en prenant garde à ne pas lui faire mal. Au début, l’adaptation est nécessaire, et il faut donc ménager un peu de temps, surtout du calme autour de soi lors du port des appareils. Les porter progressivement est un conseil souvent donné, surtout pour les enfants.
Mais pour un adulte, je conseille de les porter un maximum, jusqu’à n’en plus pouvoir, et de les remettre dès que les oreilles ou la tête sont un peu reposées.
Un dernier mot ?
Je pense que mon témoignage est assez complet. Je voudrais juste rajouter une chose: il faut toujours croire en ses rêves. Un handicap peut toujours être compensé. Ne vous mettez pas de bâtons dans les roues alors que vous pourriez devenir la personne que vous souhaitez être.
On ne vit jamais qu’une fois et c’est bien assez que d’être handicapé, alors si on devait en plus s’empêcher de vivre, ce ne serait pas super. Alors vivez ! Chantez ! Dansez ! Aimez ! Faites le métier que vous voulez ! Bref vivez vos rêves et vos passions !
Un grand merci à toi Ophélie pour ce très beau témoignage.